En Afrique, le recours aux marchés financiers internationaux est devenu un passage obligé pour nombre de pays cherchant à financer leur développement. Cependant, cette manne doit être gérée avec prudence afin d’éviter les pièges du surendettement. L’émission d’obligations souveraines est une méthode courante, mais elle exige des stratégies adaptées pour concilier ambition et responsabilité budgétaire. Le Sénégal, le Bénin, le Cameroun et la Côte d’Ivoire naviguent en eaux troubles..
Il faut dire que les montants empruntés par les quatre pays révèlent des approches distinctes :
- Cameroun : 550 millions de dollars
- Côte d’Ivoire : 2,6 milliards de dollars
- Bénin : 750 millions de dollars
- Sénégal : 775 millions d’euros
Ces différences ne sont pas anodines : elles reflètent la taille des économies et les priorités de chaque gouvernement. Cependant, au-delà des montants, c’est la capacité de remboursement et la gestion des fonds levés qui déterminent si ces emprunts seront des moteurs de développement ou des boulets de dette. Les États doivent s’assurer que ces fonds sont alloués à des projets à fort rendement, tout en maintenant une capacité de remboursement qui ne compromet pas leur stabilité financière.
Le fardeau des taux d’intérêt
Le taux d’intérêt payé par un pays pour lever des fonds est un indicateur clé de la confiance des investisseurs :
- Cameroun : 10,75 %
- Côte d’Ivoire : 6,61 % (après couverture)
- Bénin : 7,96 % (en dollars), équivalent à 6,50 % (en euros)
- Sénégal : 5,375 %
Ces chiffres montrent que le Cameroun, par exemple, paie un coût bien plus élevé pour accéder aux marchés internationaux. Cette différence s’explique par divers facteurs : la perception du risque, la stabilité politique, et la santé des finances publiques. Le Sénégal, avec son taux plus bas, a su se positionner comme un emprunteur attractif. Pour tous ces pays, l’amélioration des notations de crédit et la transparence budgétaire sont des leviers pour réduire ces coûts de financement. Par ailleurs, la diversification des sources de financement, notamment par des partenariats public-privé ou des prêts concessionnels, peut également offrir des alternatives moins coûteuses.
La question des échéances
La durée de vie d’une obligation doit être en adéquation avec les projets financés :
- Cameroun : 7 ans
- Côte d’Ivoire : 9 et 13 ans
- Bénin : 14 ans
- Sénégal : 16 ans
Les échéances plus longues, comme celles du Sénégal, sont une bouffée d’air pour les finances publiques, car elles permettent aux projets d’arriver à maturité avant que les remboursements n’étranglent les budgets. Les projets financés par ces obligations – qu’il s’agisse d’infrastructures ou de développement énergétique – mettent souvent plusieurs années à produire des résultats tangibles. Des échéances trop courtes peuvent forcer les États à refinancer dans des conditions défavorables, augmentant ainsi les risques de surendettement.
La clef de la rentabilité
Une fois les fonds levés, la question cruciale est de savoir comment ils seront utilisés :
- Cameroun : Reconstruction des infrastructures publiques
- Côte d’Ivoire : Rachat et refinancement de la dette existante
- Bénin : Projets du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG)
- Sénégal : Projets pétroliers et gaziers
Si certains pays, comme le Cameroun, privilégient les infrastructures, d’autres, comme la Côte d’Ivoire, cherchent à alléger leur fardeau en refinançant des dettes existantes. Ce choix peut être stratégique à court terme, mais il est impératif que les fonds nouvellement levés soient investis dans des secteurs à fort potentiel de croissance. Le Sénégal et le Bénin, par exemple, misent sur des projets à long terme, comme l’énergie, qui peuvent générer des revenus substantiels et soutenir l’économie sur plusieurs décennies.
Un exercice d’équilibrisme
Le ratio dette/PIB permet de mesurer la capacité d’un pays à honorer ses dettes :
- Cameroun : 39,6 % (projection 2024)
- Côte d’Ivoire : 58,1 % (fin 2023)
- Bénin : 54,5 % (2023), prévu 51,3 % (2026)
- Sénégal : 75,1 % (2023), prévu 65,7 % (2024)
Avec un ratio dette/PIB de plus de 75 %, le Sénégal apparaît comme le pays le plus endetté parmi les quatre, une situation qui appelle à la vigilance. Cependant, une dette élevée n’est pas nécessairement synonyme de surendettement, à condition que les fonds soient utilisés de manière productive et que l’économie nationale continue de croître. L’important est d’instaurer une discipline fiscale rigoureuse et de diversifier les économies pour réduire la dépendance aux exportations de matières premières, souvent sujettes aux fluctuations des prix internationaux.
La dette, une arme à double tranchant
Les récentes émissions obligataires du Sénégal, du Bénin, du Cameroun et de la Côte d’Ivoire illustrent la complexité de la gestion de la dette en Afrique. Les pays doivent constamment équilibrer le besoin de financer leur développement avec la nécessité de maintenir leur viabilité financière. Les stratégies proposées, telles que l’amélioration des notations de crédit, la diversification des sources de financement, et l’adaptation des échéances aux projets financés, sont des pistes essentielles pour éviter les écueils du surendettement. En adoptant une gestion transparente et responsable de la dette, ces pays peuvent non seulement stimuler leur développement économique mais aussi garantir un avenir financier stable pour leurs populations. Car si la dette est un outil puissant, elle doit être maniée avec précaution pour ne pas devenir un fardeau pour les générations futures.
Adrien Macaire Lemdja